SOLANN
« Monstrueuse »
Avec sa voix à la douceur cristalline, Solann fascine, soigne et ensorcèle.
Entre le coton et le jaillissement à vif, la pureté diamantaire et les turbulences, les courbes envoutantes et le lâcher-prise diffus, le contraste est follement chamboulant. Solann est une guerrière enveloppante, une dissidente magnétique. Qui s’embarque dans un périple mouvant au coeur même de la délicatesse. Contraste toujours sur un tempérament à la fois introverti et hyperactif, combustible et sensible. Prélude à une combinaison paroles et musique faite de langueurs frissonnantes, de tensions contenues, de bombes à retardement et d’explosions libératrices. Un espace où, chez elle, les apparences disparaissent et où ne demeurent que la vérité nue et l’abandon.
Solann aura vu à l’âge de huit ans son père mourir au moins une cinquantaine de fois à la fin de la pièce Don Juan. Il est comédien et intervenant en lycée afin de faire découvrir le théâtre aux élèves alors que la mère (de laquelle Solann tire ses origines Arméniennes) est une touche-à-tout, tour à tour comédienne, styliste, costumière, danseuse dans les cabarets, chanteuse. Enfance au sein des planches donc au point de prendre elle-même des cours et avec le souvenir prégnant de trois cd tournant en boucle dans la voiture : une compilation d’Aznavour, un album d’Agnes Obel et les plaidoiries de Desproges. Beaucoup de mouvements géographiques jusqu’à sa majorité, entre Paris à plusieurs reprises, la Picardie, le Vaucluse. Trois années post-bac dans une école de théâtre à Montreuil entremêlées d’un passage par le mannequinat avant de se fixer définitivement en Provence, presque dans la foulée de sa rencontre déterminante avec Chad Boccara, imparable dénicheur de talents. Un besoin vital de changer d’air et surtout de se rapprocher de sa grand-mère maternelle, personne centrale et essentielle de son existence. Son héroïne, sa boussole pendant la traversée d’une adolescence compliquée, sa confidente avec laquelle elle partage des concerts de musique classique.
Attirée par les artistes anglophones, Solann met sur un piédestal Hozier et Sufjan Stevens, loue la liberté fantaisiste de Bjork et on imagine aussi qu’elle aurait des choses à raconter à Tamino ou à Phoebe Bridgers au coin d’un feu attisé par l’enchanteur Patrick Watson (ce dernier l’a récemment
contactée sur Instagram et, en plus du privilège de faire sa première partie au cours de sa série de concerts au Café de la danse, une collaboration se dessine entre le Montréalais et elle). A partir de son ukulélé, Solann travaille dans son coin, accompagnée du producteur Marsō en studio. Elle ne se fie qu’à son instinct et décide d’opérer, il y a deux ans, une mue en langue française pour courtiser au plus juste ses tourments et ses mises au point frontales. La première personne du singulier s’affirme au milieu d’une écriture cathartique, littéraire, théâtrale, mythologique.
Petit Corps, ballade valseuse à la beauté confondante sur son rapport à son anatomie, s’érige en pièce charnière pour comprendre qu’elle trimballe de profondes griffures. Qu’elle est animée de sensations antagonistes, qu’elle se trouve dans une impasse, qu’elle dresse un constat implacable, ni défaitiste, ni optimiste. La douceur cristalline de la voix irrigue ici la plupart des morceaux où Pomme, Barbara, Camélia Jordana et Aurora pourraient dialoguer ensemble joyeusement.
Obsédante, Solann célèbre ainsi les noces de l’écriture majuscule et de la néo-folk éthérée. En grandes pompes.