Yorina
Une voix lumineuse délicatement fêlée, un chant feutré, une suavité aérienne, des trouvailles harmoniques, une richesse mélodique, des passerelles incessantes entre classicisme et modernité. Yorina aligne assez d’arguments pour enchanter les auditoires les plus divers. Une instinctive qui lâche sans crier gare tous les parfums de la séduction avec une certaine forme d’abandon. Qui exprime son élégance racée, son écriture singulière et ses teintes éclatantes dans la retenue. Qui demande protection à la musique pour se retrouver plus armée devant les forces brutes de la vie.
Initialement couturière de profession puis chanteuse par un heureux accident. La bascule remonte à 2015, année où elle confectionne notamment les costumes de scène de The Dø. Au cours d’une soirée chez Dan Levy, force vive masculine du duo – et producteur de Jeanne Added, Thomas Azier ou Laura Cahen – les convives sont invités à chanter un morceau des Beatles. Elle suit le mouvement et emballe instantanément l’assistance dont le principal hôte. Point de départ d’une alchimie artistique qui va se prolonger dans la durée. Levy, le partenaire complice, l’arrangeur hors pair, celui qui va amener son savoir et sa patte à la naissance finale des chansons.
Savoir que Yorina donne l’impulsion à ses morceaux par le piano. Savoir encore qu’elle chante en anglais, non pas par snobisme, mais à cause d’un brassage multi-culturel (père sicilien et pied noir, mère allemande et russe). Fille à la silhouette slave et au physique avantageux (mannequin chez Ford). Fille à la musicalité bipolaire puisque possible de la retrouver aussi au sein de Di Bosco, projet de Dj setting à la souplesse emballante et capable de tendre aussi bien vers l’Italo-disco la plus irrésistiblement déjantée que d’asséner des samples dans la dynamique de l’underground house de Chicago. Elle est de toute façon multiple dans ses engouements musicaux, passant avec un appétit pique-assiette de Bill Whiters, artiste vénéré qu’elle écoute depuis l’âge de 5 ans, à Post Malone ou Gracie Abrams.
Freinée par un changement de label et la crise sanitaire, Yorina aura donc attendu quatre ans pour donner suite au premier chapitre. Si Dry Your Tears, EP traversé par les tourments de l’âme (la disparition de son frère à l’âge de 26 ans) et une mélancolie parée d’espoir, était une éclosion, ce qui s’annonce à venir a tout de la floraison. En témoigne son dernier EP, Bliss & Grief, paru en juin 2022, nous plongeant dans son univers onirique aux accents indie folk et synth pop, dans lequel Yorina déploie une fragilité vibrante et un lâcher-prise essentiel. Profonde et envoûtante.